17 mars 2011

Pourquoi cacher la Francophonie ?

Au moment où la France préside le G20 - G8, alors que les cinq continents célèbrent cette semaine la Francophonie et tandis que les États francophones représentent aujourd’hui près de 40% des membres de l’ONU, il convient de s’interroger sur la discrétion institutionnelle française dans ce secteur d’influence. En effet, depuis le 5 juillet 2010, la Francophonie n’existe plus dans l’organigramme gouvernemental français. Sous la Vème République et au gré des remaniements ministériels, la politique francophone française a été conduite par un Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre, par un ministre de la Culture, par un Ministre délégué ou un Secrétaire d’Etat à la Coopération mais qui tous avaient au moins un point commun : ils étaient également ministres de la Francophonie. Or le mot « Francophonie » n’a pas été prononcé le 14 novembre dernier, ni ce 27 février lors des dernières modifications de l’équipe gouvernementale. Ces « oublis » sont regrettables même si le Ministre des affaires étrangères sera probablement en charge personnelle de ce secteur et saura alors trouver les mots justes d’un homme d’État. L’attribution « francophone » n’apparait cependant pas clairement dans l’intitulé de son ministère qui n’est pas à ce jour : « ministère des affaires étrangères, européennes et francophones ». C’est une carence institutionnelle inédite depuis l’erreur historique de Lionel Jospin, lors de l’annonce de son gouvernement le 2 juin 1997….une erreur cependant rectifiée le 22 novembre 1997. En effet, partout au sein de l’espace francophone sur les cinq continents, les gouvernements sont composés de ministres dont l’un est en charge explicitement de la Francophonie.
Et pourtant, en ce 40 ème anniversaire de création de la Francophonie institutionnelle, la France n’a jamais autant soutenu l’élan francophone. En 2010, toutes actions confondues, c’est près d’un milliard d’euros qui auront été consacrés par la France au développement de la langue française et de la francophonie dans le monde. Le 20 mars 2010, à l’occasion de la journée internationale de la Francophonie, le Président Sarkozy a mobilisé, à l’Elysée, l’ensemble de la famille francophone très sensible à ce geste. Depuis quelques jours, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et son éminent Président, Abdou Diouf, sont installés dans une Maison de la Francophonie fonctionnelle et rassemblée, située 19-21 avenue Bosquet à Paris et mise à disposition à titre gratuit par la France qui sera inaugurée demain matin, 18 mars, avec le Président Sarkozy. Sur le territoire métropolitain, afin d’informer et de mobiliser nos compatriotes, on aura également vu émerger des maisons locales de la Francophonie avec succès à Lyon et en devenir à Marseille. Par ailleurs, le président de la République a nommé un représentant personnel pour la Francophonie de stature internationale, en la personne de Jean-Pierre Raffarin, qui agit avec conviction et détermination au renforcement de la langue française et de la Francophonie, en particulier au sein des grandes enceintes internationales. En déplacement à la Martinique, début janvier, le Président Sarkozy a annoncé le prochain hommage de la Nation à Aimé Césaire. Une mesure juste que le Parti Radical avait proposé sur ma suggestion, lors des entretiens de Valois organisés le 20 septembre dernier sur la thématique suivante : « La Francophonie : une chance pour la France et pour le monde dans la mondialisation». Mais une mesure incomplète, car la France s’honorerait également d’inscrire dans la crypte du Panthéon, le nom de Léopold Sedar Senghor, fondateur institutionnel de la Francophonie. Une mesure qui aurait du sens pour commémorer le 10ème anniversaire du décès de Senghor en décembre prochain, d’autant plus que le Président et le Premier Ministre français en exercice en 2001, furent honteusement absents de ses obsèques célébrées à Dakar. Et puis il est nécessaire d’aller plus loin en mobilisant nos décideurs métropolitains et ultramarins sur l’importance de la langue française comme vecteur d’influence de la France dans le monde et source d’emplois pour nos compatriotes. Les Français, eux sont déjà convaincus (*). Sur le modèle des Grenelles, il serait opportun d’organiser les 1ères assises de la Francophonie en France, une occasion unique d’aborder tous les sujets avec les acteurs français : élus, dirigeants d’entreprises, salariés, syndicats, associations,… une occasion également, en cette année 2011 des Outre-mer, d’associer plus largement nos territoires ultramarins à l’influence de la Francophonie dans le monde. Face à l’heureux mouvement de réveil des Afriques et de printemps des peuples au Maghreb-Machrek qui se fondent sur le corpus des valeurs francophones, on ne pourra pas non plus faire l’économie d’une réflexion opérative sur une facilitation francophone de circulation pour les artistes, les entrepreneurs et les chercheurs issus de la francophonie du sud.
La Francophonie est aussi attachée à des signes forts, permettant de répondre aux critiques injustes dont notre pays fait encore trop souvent l’objet quant à la sincérité de son engagement francophone. Peut-être qu’un nouvel ajustement gouvernemental, après les élections cantonales (?), pourrait répondre à cette carence institutionnelle. En tout cas, c’est l’un des vœux que je forme pour l’année 2011 !

(*) La langue française est un instrument de rayonnement tant pour la France (91%) que pour les entreprises françaises (66%). Sondage effectué en février 2010 par l’Institut Isama pour le Service d’Information du Gouvernement auprès d’un échantillon représentatif de 1006 personnes âgées de 18 ans et plus.